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Dans les coulisses d'une mission en storytelling (Decathlon)


Comment je crée une histoire pour une campagne de marque ? Quel est mon processus créatif ? Ces deux dernières semaines, on m’a posé 4x la question. Cette newsletter est une invitation dans les coulisses d’une mission en storytelling.



En anthropologie, un tabou est un acte interdit parce que touchant au sacré. Sa transgression entraîne un châtiment d’ordre surnaturel. Religion, sexualité, nourriture… il en existe tout un tas mais le plus étrange est celui qui frappe les créatifs : ne jamais partager son processus de création.


Aucune exagération ! Ouvrez LinkedIn, scrollez jusqu’à trouver quelqu’un qui partage librement et en détail sa méthode créative. Et arrêtez avant de choper de l’arthrose, ça n’existe pas.


La raison en est limpide. Certes, il y a la crainte du vol, de la copie de ce qu’on a mis des années à comprendre. Mais il y a surtout la phobie de perdre notre magie. Comme si, en mettant notre muse à nu, elle allait nous quitter. A jamais. Et comme c’est cet être précieux mais volage qui nous permet de nous offrir du homard bleu au resto et des stages de surf au soleil en plein février, bah on n’a pas trop envie de la contrarier.


Alors pourquoi ai-je décidé de vous révéler mon processus créatif de A à Z ? J’en sais rien. L’écriture a ses raisons que la raison ignore. C’est parti.


1. Le brief en bref


Decathlon me contacte pour écrire un manifesto de marque employeur qui sera ensuite mis en vidéo. Le but est d'attirer un certain type de profils suite à une étude interne qui a montré que ce que les employés préfèrent dans leur job, c’est la possibilité d’avoir des responsabilités rapidement. 

Mais la notion de responsabilité, sans contexte, n’est ni un avantage ni un bon sujet de campagne. Alors comment faire ? La transformer en histoire. Voilà la raison de ma participation au projet. 


  1. Un p’tit temps de méditation

 

La première action créative est celle de la contemplation. La meilleure manière de trouver une solution est de tomber sous le charme du problème. Qu’est-ce que représente la responsabilité ? La possibilité de faire de grandes choses et pas juste des photocopies et du mauvais café. Celle de s’exprimer aussi, d’apporter sa pierre à l’édifice. Enfin, une certaine autonomie, liberté de mouvement.

 

Je vais donc prendre une de ces valeurs et la mettre en opposition avec son contraire. Exemple : conformité / expression de soi, oubli / mémorabilité, servilité / pouvoir, etc. 

C’est cette tension qui va donner du rythme à l’histoire et permettre une transformation (il n’y a pas d’histoire sans changement).

 

  1. L’identification de l’archétype

 

Le persona m’a paru être un exercice ridicule dès mon premier cours de marketing. “Fanny a 28 ans, vit en région parisienne, est créatrice digitale, porte des Veja et boit du vin biodynamique blablabla.”

 

Qui s’en fout ?

 

Nous !

 

A la place, je travaille avec des archétypes, notamment les 12 de Carol S. Pearson. Un archétype, c’est un symbole, thème, personnage ou motif universel que notre inconscient reconnaît immédiatement quel que soit le contexte culturel ou temporel. 

 

Un jeune ambitieux peut avoir une forte expression de 3 archétypes en particulier : le souverain, le héros et l’explorateur.

 

Chacun répond à un désir profond différent. Le souverain à un besoin de pouvoir - ce qui aurait pu être le cas pour un jeune sortant d’HEC qui postule chez KPMG, mais pas ici. Le héros à un désir d’appartenance - c’est un besoin qui vient un poil plus tard dans la vie, à moins d’être né dans une famille royale. Quant à l’explorateur, il nourrit un besoin de liberté, d’indépendance et d’expression de soi - bingo !

 

  1. Le parcours archétypal

 

Avant d’être l’art de raconter des histoires, le storytelling est celui de savoir s’intégrer dans celles des autres. C’est ce que j’appelle l’intelligence narrative. 

 

L’idée est de créer un message qui permet le dénouement de l’histoire. Nous ne sommes pas des guides mais des facilitateurs de dénouement. Nuance. Et comme il est difficile de raconter une histoire dans un manifeste, on va se servir du storytelling pour intégrer le manifeste dans l’histoire du prospect.

 

J’ai dans mes tiroirs magiques (sur mon Google Drive quoi) des récits spécifiques à chaque archétype. Y a plus qu'à prendre celui relatif à l'explorateur et l'adapter à l'audience visée.

 

Ici l’histoire archétypale met en scène un jeune plein d’énergie qui arrive sur un marché du travail réputé ennuyeux et conformiste.

 

Il part en quête d’un endroit idéal où il pourra continuer de grandir, se chercher, d’exprimer ses idées. Ses recherches ne donnent rien. Il commence à flipper : l’entreprise est une fabrique à clones. 

C’est là qu’intervient Decathlon. La marque incarne cet endroit tant désiré et l’offre de travail satisfait sa quête d’authenticité et d’expression de soi. 


  1. Le concept

 

Une fois la destination identifiée, reste à créer le véhicule qui nous y mènera. Me vient l'idée de chercher des monologues issus de la pop culture. Essentiellement dans les livres et le cinéma.

 

Merci ChatGPT pour le gain de temps !

J’en présente 4 au client, on en garde un. C’est celui de Fight Club qui commence par ‘vous n’êtes pas votre compte en banque’. L’idée est de reprendre le début en l’adaptant au monde du travail.

 

On tient notre concept : #FightConformity


  1. Le travail d’équipe


C’est à ce stade que je rencontre l’agence qui va mettre en vidéo mon texte. Le courant passe bien, on est emballés par le projet, tout roule. 

Ou presque…

 

  1. La crise

 

On voulait dérouler une histoire au niveau visuel, qui se superposerait au texte. Dans notre tête c’était facile Cyrile. En pratique c’est autre chose. 

Rien ne semble fonctionner. Trop compliqué, pas cohérent, trop long, pas fluide. Et puis, après s’être imaginé le pire, eurêka ! La scène sera métaphorique. On prendra un moment de la vie privée d’un protagoniste qui symbolisera le parcours chez Decathlon. 

J'imagine un homme qui agrippe son skate pour fuir un endroit sombre et entame un parcours de libération de son expression jusqu’à Decathlon. La direction artistique est inspirée mais pas totalement convaincue. Elle crée alors de nouvelles scènes en se basant plus sur l’expression de soi et moins sur la notion de parcours. 

  1. Le dénouement


Je rends une version finale de cent et quelques mots pour environ une minute de vidéo. C’est là que mon travail s’achève et que débute le dur labeur des talents de l’agence, qui doivent organiser le tournage, shooter et monter. 


Heureusement ils sont doués et le spot rend super bien. Et ça change des assommantes offres d'emploi qui sont commises tous les jours par les entreprises en manque d'inspiration.


Bien sûr il y a toujours un décalage entre ce qu’on imagine et le rendu final, ça fait partie du processus. Je voyais une voix d’outre-tombe qui accentue les répétitions. Une vidéo qui ouvre sur un regard sombre, et puis on va petit à petit vers la lumière.


Au final, la DA est autre et le concept n’est plus #FightConformity mais #ExprimeToi. Ce qui est plus proche du brief initial.


J’ai l’habitude de travailler seul mais plus je collabore avec des grandes marques, plus je m’aperçois à quel point le travail d’équipe est essentiel pour créer de belles choses.


Aussi, bien sûr, à quel point les entreprises ont besoin de raconter des histoires pour se démarquer, se faire remarquer et marquer.

 

Je détaille et explique en profondeur ce processus de création (et bien plus encore...) dans la nouvelle version de la formation, en cours de finalisation d'écriture.

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